
Bonjour Pierre, pouvez-vous nous parler de votre parcours chez Ateliers HeritageBike et de votre rôle en tant que directeur de production et technique ?
Je suis chez Ateliers HeritageBike depuis plus de 2 ans maintenant, où j’occupe le poste de directeur de production et technique. Mon rôle est assez transversal, je pourrais même dire que je fais un peu office de couteau suisse au sein de l’entreprise.
Je suis impliqué dans l’ensemble du cycle de vie de nos vélos : de la conception mécanique à l’industrialisation, en passant par la gestion de projets, les achats, la production, jusqu’au service après-vente. Cette polyvalence me permet d’avoir une vision globale de nos produits et de garantir leur qualité à chaque étape.
Ce qui me motive au quotidien, c’est de participer à la création de vélos d’exception, alliant savoir-faire artisanal et innovation technique. Chez HeritageBike, chaque projet est unique, et c’est cette richesse qui rend mon métier aussi passionnant.
En tant qu'ingénieur en systèmes de propulsion électrique pour vélos, quelles innovations technologiques récentes vous passionnent le plus et pourquoi ?
Je suis particulièrement attentif aux innovations qui transforment l’architecture même des transmissions. Le système chainless de Cixi, par exemple, représente une rupture technologique majeure.
Ce type de transmission repose sur un générateur couplé au pédalier, qui convertit l’énergie mécanique du cycliste en électricité. Celle-ci est ensuite dirigée vers un moteur dans la roue arrière ou intégrée au moyeu, supprimant totalement la chaîne ou la courroie. Cela offre plusieurs avantages techniques :
- Optimisation des rendements : la gestion électronique permet d’adapter en temps réel le couple moteur en fonction des besoins du cycliste, pour un pédalage plus fluide et plus efficient.
- Réduction de l’usure mécanique : absence de chaîne ou courroie = moins d’entretien, moins de pertes par frottement.
- Liberté de design : on peut concevoir des cadres sans contraintes liées à la ligne de chaîne ou au passage de la courroie, ce qui ouvre la voie à de nouvelles géométries ou intégrations esthétiques.
- Fonctionnalités avancées : le système permet d’implémenter des fonctionnalités comme la régénération d’énergie au freinage, des modes de conduite entièrement paramétrables ou une gestion fine de l’effort du cycliste pour préserver sa cadence optimale.
Chez Ateliers HeritageBike, nous travaillons sur plusieurs nouveaux modèles de VAE, ainsi qu’un speedbike, et ces technologies chainless font partie de nos pistes d’innovation. Elles répondent parfaitement à notre volonté de proposer des vélos haut de gamme, alliant performances mécaniques et expérience utilisateur améliorée.
Comment votre formation à l'Université de Technologie de Belfort-Montbéliard vous a-t-elle préparé aux défis de votre carrière actuelle dans le domaine des systèmes de propulsion électrique pour vélos ?
Ma formation à l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, et plus particulièrement au sein de la spécialité EDIM – Ergonomie, Design et Ingénierie Mécanique, m’a préparé de manière très concrète aux défis de mon métier actuel dans le domaine des systèmes de propulsion électrique pour vélos.
Cette spécialité m’a permis de développer une approche transversale de la conception, en croisant les dimensions techniques (calculs mécaniques, modélisation, matériaux), l’ergonomie (expérience utilisateur, posture, confort) et le design produit (formes, proportions, intégration visuelle). Cette vision globale est aujourd’hui essentielle dans le développement de VAE premium, où les exigences esthétiques, fonctionnelles et techniques doivent coexister harmonieusement.
La pédagogie orientée projet de l’UTBM m’a également formé à travailler en mode collaboratif, à gérer la complexité d’un produit technique de A à Z, et à dialoguer avec des interlocuteurs très variés : designers, ingénieurs, fournisseurs, sous-traitants…
Aujourd’hui, chez Ateliers HeritageBike, cette double culture design/ingénierie me permet de piloter des projets allant de la conception mécanique à l’industrialisation, en intégrant les contraintes d’intégration des systèmes électriques, l’optimisation de l’ergonomie, la gestion des achats, la production, ou encore le SAV. Cette formation a clairement façonné mon profil de « couteau suisse » technique, capable de faire le lien entre l’idée initiale et le produit fini.
Pouvez-vous partager un projet spécifique chez Ateliers HeritageBike où vous avez surmonté un défi technique majeur dans la conception de systèmes de propulsion électrique pour vélos ?
Oui, je peux citer un projet très stimulant sur lequel nous travaillons actuellement chez Ateliers HeritageBike, autour de l’intégration du système chainless développé par Cixi.
Ce système représente une véritable rupture technologique : il supprime complètement la transmission mécanique traditionnelle (chaîne ou courroie) et la remplace par une transmission entièrement électrique. Cela signifie qu’au lieu de transmettre l’effort du cycliste mécaniquement, l’énergie est convertie en électricité via un générateur au pédalier, puis envoyée à un moteur électrique dans la roue.
Sur le papier, c’est extrêmement innovant, mais sur le terrain, cela entraîne plusieurs défis techniques majeurs, notamment :
- Frein régénératif : contrairement à un système classique où l’effort au freinage est repris mécaniquement par les freins à disque, le freinage régénératif impose des efforts inverses dans le système de propulsion. Mécaniquement, cela signifie qu’il faut dimensionner les composants (notamment le cadre) pour supporter des couples de freinage importants générés par le moteur, parfois dans des conditions dynamiques très variables.
- Gestion de l'assistance : avec un système chainless, la gestion électronique de l’assistance devient compliqué pour reproduire une sensation de pédalage naturelle. Comme il n’y a plus de transmission mécanique directe, tout le ressenti du cycliste dépend de la stratégie de contrôle du générateur et du moteur. Nous avons donc passé beaucoup de temps avec les ingénieurs de chez Cixi pour aboutir à un sensation de pédalage naturelle.
C’est un projet complexe mais passionnant, car il nous pousse à réinventer le vélo et à remettre en question des choix techniques établis depuis des décennies. Chez Ateliers HeritageBike, nous voyons là une opportunité de proposer des vélos haut de gamme encore plus innovants, notamment avec nos futurs VAE et speedbike.
Quelle est votre vision de l'avenir des systèmes de propulsion électrique pour vélos en matière de durabilité et d'impact environnemental ?
À mon sens, l’avenir des systèmes de propulsion électrique pour vélos ne sera pas monolithique, mais plutôt hybride et segmenté, à l’image de ce que l’on observe dans l’automobile. Chaque type de vélo et usage appellera des solutions techniques spécifiques, optimisées selon les priorités : performance, autonomie, coût, durabilité, confort ou simplicité.
Par exemple, les vélos de performance – typiquement les VTT ou les vélos de route électriques – continueront d’adopter des transmissions classiques par chaîne et dérailleur, tout simplement parce que ce sont les solutions les plus légères, les plus efficientes mécaniquement, et les plus adaptées à une conduite sportive où le contrôle du braquet et le rendement sont primordiaux.
En revanche, pour les vélos utilitaires, cargos ou vélos de ville, je pense que les systèmes alternatifs comme le chainless (type Cixi) vont prendre une place croissante. Ils permettent une réduction de la maintenance, une meilleure intégration des composants, et une expérience utilisateur plus simple (pas de dérailleur, pas de chaîne à graisser, frein régénératif, etc.). Cela répond très bien aux besoins de mobilité urbaine et à une logique de durabilité au quotidien.
En matière d’impact environnemental, la vraie clé sera de développer des systèmes plus durables dans le temps, plus faciles à entretenir et réparer, et intégrant des composants mieux recyclables (batteries, moteurs, électroniques). L’optimisation de la longévité des produits, l’approvisionnement local de certaines pièces, et la réparabilité seront des critères de plus en plus centraux.
Comment parvenez-vous à équilibrer entre innovation technologique et les besoins réels des utilisateurs de vélos électriques dans votre processus de production ?
C’est un équilibre essentiel et parfois délicat. Chez Ateliers HeritageBike, nous plaçons le design et l'utilisateur au centre du processus dès les premières phases de conception. L’innovation technologique est évidemment un moteur puissant, mais elle n’a de sens que si elle répond à un besoin concret et améliore réellement l’expérience du cycliste.
Par exemple, avec l’arrivée de systèmes comme le chainless de Cixi, nous sommes face à une technologie très innovante. Mais nous devons nous assurer qu’elle offre un pédalage naturel, qu’elle reste fiable et qu’elle soit facile à entretenir. Nous réalisons donc de nombreux tests terrain, des prototypes fonctionnels et des boucles de retours utilisateurs pour affiner la sensation de pédalage, la progressivité de l’assistance et la gestion du freinage régénératif.
Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec nos designers pour que l’esthétique et l’ergonomie soient en phase avec les attentes de nos clients, sans compromettre la robustesse ou la performance technique.
Enfin, du côté de la production, il faut toujours garder à l’esprit la faisabilité et la durabilité. Une technologie trop complexe ou fragile n’est pas viable si elle engendre un coût prohibitif ou un SAV trop lourd. Nous cherchons toujours à industrialiser nos innovations de manière fiable et reproductible, avec des processus maîtrisés.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes ingénieurs qui souhaitent se lancer dans l'industrie des systèmes de propulsion électrique pour vélos ?
Mon premier conseil serait de cultiver avant tout la passion pour le vélo et pour la technologie. Travailler dans les systèmes de propulsion électrique pour vélos, ce n’est pas seulement un métier d’ingénieur, c’est aussi une véritable aventure humaine et technique. Il faut aimer le produit, comprendre les attentes des cyclistes, et être curieux des innovations qui font évoluer le secteur.
Ensuite, je leur dirais de ne pas avoir peur d’être polyvalents et de sortir du cadre purement technique. Dans ce domaine, on touche à la mécanique, à l’électronique, à la gestion de projet, à l’ergonomie, au design, et même à la relation client. Cette transversalité est ce qui rend le métier passionnant et enrichissant.
Je les encouragerais aussi à développer une vraie culture du travail en équipe et de la collaboration avec des profils variés : designers, techniciens, marketeurs, fournisseurs… C’est cette complémentarité qui permet de faire naître des produits à la fois innovants, fiables et adaptés aux besoins réels.
Enfin, je leur conseillerais de rester toujours à l’écoute du marché et des utilisateurs, car le vélo électrique est un secteur en pleine évolution où les usages changent rapidement. Rester curieux, s’adapter et apprendre en continu sont des clés indispensables pour réussir.
Pour moi, la passion du produit et la volonté de contribuer à une mobilité plus durable sont le moteur principal pour s’épanouir dans cette industrie.
Pour plus d'informations : https://ateliers-heritagebike.com/